
Fils d’un forgeron-paysan aveyronnais, Louis Malié est arrivé à Graulhet à l’âge de 11 ans et s’emploie comme manoeuvre durant cinq ans. Maçon à son compte dans le Tarn, dès 1963, il y a créé sa première entreprise artisanale traditionnelle, tout seul. En 1971 il fonde STAVEMAC (Société Tarnaise de Vente de Matériaux de Construction). A la suite de l’octroi de l’adjudication de la construction de l’hôpital, trois ans plus tard, il a été « obligé » de passer à la vitesse supérieure. L’activité devient alors tellement diversifiée que Louis Malié monte AéroTarn, une société d’avions taxi, bimoteurs, avec deux autres passionnés d’aviation et pilotes amateurs : Jean-Luc Jolimaître, pdg des Gélatines Weishardt et Alain Macé, à ce moment là, directeur des établissements Quin-Peyrache( produits chimiques), à l’aéro-club de Graulhet. Les trois compères embauchent un pilote professionnel, pour se rendre sur leurs différentes filiales et chantiers. « Nous allions aussi chercher les clients importants... quand ils ne voulaient pas venir ! », plaisante t-il. Et Louis de se souvenir d’un retour mouvementé de Genève, un vol de nuit dans les orages, où il a « apprécié » les compétences de Jean-Luc Jolimaître qui était aux manettes.
Contre vents et marées
D’une société à l’autre, en 1990, il en dirige cinq, dans cinq départements d’activités et va jusqu’à embaucher 200 personnes sur la zone industrielle de Rieutord. En misant sur la complémentarité, l’entrepreneur avance, parfois contre vents et marées. A l’égal de sa santé de fer, il a forgé son éternel optimisme sur l’enclume des vicissitudes parfois malheureuses de sa vie. « Je me suis entre autre aguerri pendant la guerre d’Algérie dont je suis revenu plus fort qu’avant, après avoir connu l’horreur ». Le 18 septembre 1961 reste la date douloureuse,d’une effroyable fusillade pour l’ex-sergent Malié, des Chasseurs Alpins. « C’est trop con de se faire tuer à 20 ans pour une guerre stupide qui a fait 30.000 morts et n’aurait pas du être, sous couvert... de pacification ! », s’émeut-il encore. De ce triste épisode, malgré les meurtrissures, il tire encore une fois sa philosophie de voir toujours le verre à moitié plein. Président fondateur de la FNACA de Graulhet, il en a assuré la mémoire pendant dix ans.
Aussi, pendant 20 ans, l’ embellie commerciale le grise et stimule son imagination. Sa panoplie s’étoffe avec un abribus monobloc qu’il multiplie à 1.000 exemplaires pour le Conseil général de l’Aude, puis un mur de stockage mobile Stomo. Hélas en 1975, le secteur du Bâtiment connaît une crise sévère et son activité chute de moitié. Les finances ne suivent pas. La trésorerie est affaiblie par les frais financiers et les impayés fréquents. L’entrepreneur doit réduire l’effectif ou forcer son imagination pour se diversifier. Il développe alors 25 licences de fabrication pour Bloc Baie, des systèmes pour Compomeca avec lesquels il construit 500 logements HLM dans le Sud de la France. Comme il n’a pas assez de choses à faire, il s’engage dans les mouvements syndicaux, jusqu’à devenir président régional de celui de l’Industrie et du béton.
En 1986, il rachète Marley Betopan, une usine de tuiles béton et ses 20 salariés avant de céder la branche pré-fabrication lourde de l’usine, à certains de ses cadres et chefs d’équipe, qui devient Midi Préf (MPIndustrie) à la faveur d’un marché. Cette filiale et 40 salariés, construit 70% des hôtels Campanile en France pendant 15 ans. Deux ans plus tard, il créée Compobaie, cette fois-ci avec ses cadres et ouvriers. Vient ensuite Malié Transports et Euromontage oeuvrant avec vingt spécialistes avant de se lancer dans les franchises avec Maisons N°1. Pendant ce temps il ouvre une carrière et centrale à béton, celle dite de Busque, qui sort à l’époque 600 tonnes de gravier par jour. Plus tard il partagera ses parts avec un groupe de cimentier suisse, afin de créer Tarnaise Agrégats Béton (TAB), que rachètera ensuite l’entreprise Cougot de Lavaur.
Sur fond de conjoncture difficile
Du composant d’ouverture au système constructif en béton entièrement boulonné, il s’oriente ainsi, vers, ce qui va devenir un fleuron de l’industrie tarnaise, son usine de maison monobloc, sous la marque de Maison Transportable en 1982. De ces années prospères, il garde un souvenir amusé et se félicite d’avoir rebondi, après certaines dures chutes. Son secret ? « J’ai toujours essayé de transformer un pépin en avantage », assure t-il. « C’est à cause ou plutôt grâce au vent d’Autan, que j’ai eu l’idée de la maison transportable. Nous avions un mobil-home en bordure du Lac de Damiatte pour aller se détendre avec les enfants. Un jour de grand vent, il a roulé 200 mètres plus loin, complètement disloqué. Un vrai paquet d’allumettes. De rage, j’ai mis le feu à ce qu’il en restait. Il n’a pas mis un quart d’heure pour brûler entièrement... Si on avait été dedans ! », se souvient t-il. Le lendemain il planchait sur une maisonnette de loisir en béton, plus solide, avec un toit à deux pentes. Pour soulever ses énormes monoblocs des camions qui les transportent, dans la foulée, il peaufine un chenillard sorte de gros robot radio commandé. Avec une humilité désarmante, l’inventeur de ce process précise : « C’est juste de la mécanique. Un système rustique, pas sophistiqué mais indispensable ». Des jeux de vérins à la conception des moules, il fabrique 80% des composants dans ses ateliers de Graulhet.
Plus de 3.000 maisons transportées
Exposée au salon du Bourget en 1985, il vend ses premières réalisations, comme maisonnette de loisir, en bord de mer. A Gruissan, c’est un village de 95 de ces modules en béton qu’il monte, puis 150 en Vendée, pour la Mutuelle des agents des impôts. Un gros chantier grâce auquel il peut, à ce moment là, redresser ses difficultés rencontrées dans les années 90. C’est là qu’il repart, en transformant l’entreprise avec sa fille Myriam et son fils Richard. Le frère et la soeur reprennent cette branche qui aujourd’hui propose un modèle, à nul autre pareil, dont ils ont produit et monté plus de 3000 exemplaires, différents, partout en France.
Seule la crise de 2008 empêchera la famille de franchiser le concept. Aujourd’hui, plus de cinquante modèles de base sont adaptables au goût du client. Des ateliers actuels viennent de sortir onze modules, pour fabriquer les locaux du stade de Tournefeuille. « Les enfants ont repris une affaire passionnante, mais difficile à gérer », s’enorgueillit-il. En emboîtant, néanmoins, les pas du fondateur, ils ont, en tout cas, su garder le cap.
Petit à petit vendu, le groupe est aujourd’hui revenue à Malié Constructions, une sarl qui malgré de nouvelles difficultés, liées à la dernière crise du secteur, a pu préserver 50 salariés. Pour Myriam : « Nous avons à coeur de développer son concept de maison modulaire. Nous sommes depuis toujours, les seuls à y croire autant que lui ! Avec le personnel qui est fier de travailler pour un produit si innovant. Et ils peuvent l’être, parce qu’ils font tous du travail de qualité », confie sa fille, à bonne école, avec cette énergie intellectuelle insufflée. « Il est impossible. Il ne s’arrête jamais. C’est une mitraillette à idée et il faut avoir une sacrée santé pour le suivre ». Mais c’est un visionnaire, qu’elle admire sans restriction.
De ces fastes années, cinq entreprises sont toujours dans la course : Midi-Préf avec une trentaine de salariés, Compobaie avec 150 personnes dispatchées en France, Euromontage avec une vingtaine de salariés, TAB. Malié Transport a été racheté par les Transports Maurel. « J’ai connu trois crises économiques graves : du choc pétrolier de 75 à la dernière de 2008, en passant par la crise du bâtiment de 90. C’est le jeu des affaires. Nous avons un métier à gros chiffre d’affaires, mais à faible marge donc les droits à l’erreur sont très limités », évalue t-il, avec le recul. En toute pudeur, il passe sous silence des drames personnels qui l’ont blessé en chemin.
Si désormais Louis Malié a cédé toutes ses parts dans ces diverses sociétés, il n’a pu se résoudre à prendre sa retraite. En janvier 2011, le septuagénaire s’est lancé dans une nouvelle aventure.
Les jardinous de Louis : une idée en or

Médaille d’or au concours Lépine 2009, le Jardinou, un potager nomade est fabriqué et commercialisé à Graulhet, depuis le début de l’année. Louis Malié a déjà vendu un millier d’ exemplaires de ses Jardinous dont 30 % à des particuliers et 70% dans des maisons de Retraite. Soit en moyenne deux par jour.
Pour potager ou jardin d’agrément, les quatre différents modèles de jardins transportables de la société Malié Innovation (créée pour l’occasion) sont le fruit de cinq années de cogitation et d’essais menés par leur génial concepteur. Si les jardins suspendus de Babylone ont été construits, par Nabuchdonosor II, pour rappeler à son épouse ses forêts natales, ceux de Louis donnent la possibilité, à chacun, d’avoir un lopin de terre, à entretenir avec le moindre effort, dans un minimum d’espace.
« L’idée m’est venue en ramassant des haricots verts dans mon jardin. J’ai mis quinze jours à m’en remettre, tant j’ai eu mal au dos. La terre est trop basse. Le ciel trop haut. Seul le Jardinou est au bon niveau », plaisante l’astucieux inventeur dont les créations multiples partent d’un constat. « Je cherche toujours à solutionner les galères, la pénibilité, sur les chantiers autant qu’au jardin. Puisque la terre est trop basse, je la remonte à portée de main », s’amuse t-il.
Après plusieurs projets et tentatives en béton « pas bon, trop lourd, trop moche », il a pensé à utiliser le bois en rondins. Quelques maquettes et prototypes lui ont été nécessaires pour aboutir au modèle d’aujourd’hui dont il a déposé le brevet et la marque, il y a trois ans. Juste avant la Foire internationale de Paris, dans le but de s’inscrire au fameux concours Lépine. Quelle ne fût pas sa joie de voir ses efforts couronnés par une médaille d’or du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
L’as des trucs et astuces
De 1, 50 mètre à 4 mètres d’envergure, ses jardins nomades sont réalisés en rondins de pin de 12 cm de diamètre, traités à coeur aux sels non nocifs, venus de Haute-Loire. « Les escargots et les limaces n’appréciant pas du tout ce traitement, ils n’accèdent jamais au plantations. Ce n’était pas prévu, mais c’est une heureuse coïncidence », jubile t-il. Afin de pouvoir proposer un produit complet, clef en main, en kit, Louis Malié va jusqu’à fournir du compost maison et un terreau universel bio...tarnais, en provenance de Jardivie à Saint-Affrique-Les-Montagnes.
Entaillés recto-verso aux extrémités, les rondins sont emboîtés pour constituer un bac auto-stable, prêt à recevoir une tonne de terre (ou une vingtaine de sacs de 50 kg). Il a même été jusqu’à inventer une machine à fraiser, spéciale, pour réaliser les encoches au millimètre près. Les croisillons destinés à assembler les pieds en pyramides n’existent pas sur le marché. Qu’à cela ne tienne, il les fabrique lui -même en ondulant des lamelles de fer avec...les pignons d’engrenage d’une rouleuse mécanique de cerclage de roue de charrette, bi-centenaire, ayant appartenu à son grand-père charron.
Equipés d’une serre à enrouleur très facile d’usage, les Jardinous permettent de faire des semis, des plants plus longtemps dans la saison. Abordables sans efforts, ils font également la joie des seniors ou des personnes en fauteuil roulant pour lesquelles, Louis Malié a fabriqué un modèle spécial circulaire leur facilitant encore plus l’accès. Un des tous premiers a été offert à la maison de retraite de Graulhet. Utilisé comme aide à la mémoire par les thérapeutes, le Rotary Gaillacois en a également offert un, à l’unité d’Alzheimer de l’hôpital de Gaillac.
_Sa toute dernière création : un jardinou métallique circulaire est encore plus adapté aux "jardiniers" en fauteuil roulant et son jumeau doté de rondins tressés ravit les adeptes de la Déco. Ce qui lui a permis de créer un emploi spécifique et de travailler avec deux artisans du coin.
A 73 ans, Louis Trouvetout a encore plus d’une innovation dans son sac. Mais là, c’est encore top secret...jusqu’au prochain dépôt de brevet !
Anne-Marie Bourguignon