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Domaine de Labarthe : Les Albert, vignerons depuis 750 ans

Vignerons récoltants, c’est à Castanet, au coeur du triangle d’or du vignoble gaillacois, que la famille tarnaise des Albert élève ses vins de Gaillac en Appellation d’origine contrôlée sur le domaine de Labarthe. Avec foi et rigueur. D’un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération, la famille Albert a su conserver la substantifique moëlle. Affaire d’inspiration et de créativité, ses cuvées haut de gamme sont parmi les plus primées dans les concours agricoles de Paris ou de Mâcon. Et sont également classés parmi les premiers grands vins du Sud-Ouest. Tout comme son plus humble Gaillac primeur, élu trois fois meilleur de France au concours de Suze Larousse....organisé par les vignerons du Beaujolais, avant que ces derniers
ne se lassent de cet insolent succès. Une exceptionnelle saga familiale vigneronne, ininterrompue depuis plusieurs siècles, sur les coteaux caillouteux de la rive droite du Tarn. Des vies en tranches de vins.

« Perchés » à 300 mètres d’altitude, les 68 hectares du domaine de Labarthe sont aujourd’hui en totale culture de vins AOC. Neuf employés et un volant de saisonniers y produisent 320.000 bouteilles par an, vendues à 40 % aux particuliers et à 60% aux professionnels du circuit traditionnel (cavistes, restaurants, etc.). Pour un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros. Les Albert sont propriétaires-exploitants du domaine depuis... plus de 750 ans ! Sans interruption patronymique de la lignée, l’arbre généalogique de la famille vigneronne a été identifié jusqu’à Guillaume Albert en 1550. A 75 ans, Jean et Paulette sont toujours aussi présents dans l’habitation familiale datant de deux cents ans, et indispensables sur la propriété.

Après toute une vie passée à tailler, lier, palisser, rogner, vendanger, Jean peut enfin troquer son sécateur pour un pinceau. L’artiste jette sur la toile tout le ressenti – allégorie parfois cynique sur l’avenir de la viticulture ou instantanés - saisi entre les ceps. « Aujourd’hui, la mal-bouffe et le culte des boissons industrielles tuent la vigne. Les lobbies orchestrent les critiques sur le vin », stigmatise t-il. Spécialiste de la macrophotographie, au fil des saisons il traque désormais coccinelles et papillons avec son objectif. Dans les années cinquante, il a été l’un des pionniers de la mise en bouteille directement à la propriété. Quelques gammes de vins plus tard, en 1972, il innove avec le Gaillac primeur rouge : « Quand on a eu droit à l’appellation rouge, c’est venu à l’issue d’un voyage dans le Beaujolais avec des amis vignerons ». Dans la foulée, ils lancent la première fête des vins._

Né dans une comporte

Actuel exploitant, brillant et limpide comme un vin blanc, regard pétillant, son fils Jean- Paul plaisante : « Je suis né dans une comporte. C’est une passion alimentée par une initiation de toujours ». Dés la fin d’études en BTS viticulture-oenologie, suivies à Montpellier, à 20 ans il a intégré les rangs du domaine pour y faire ses classes dans les pas de son père. Au Smic pendant deux années ! Le « bleu », aujourd’hui âgé de 48 ans, se souvient de ses premiers émois de viticulteur, de sa hantise de ne pas arriver à faire un vin aussi bon que son paternel : « N’aie pas peur, me disait-il. Ce qui fait la qualité du vin, c’est d’abord la propreté de la vigne, l’hygiène et l’état sanitaire irréprochable des raisins ». A cette époque la donne était différente. « On plantait régulièrement parce qu’on manquait de vin à la vente. Alors qu’aujourd’hui il faut se bouger et ne pas rester derrière son caveau. Il faut aller chercher les clients à Rennes, Paris ou Dunkerque. Nous participons à 38 salons en France et en Europe », explique t-il. Même si cela représente 10% de ses productions, l’international se maintient. Après les USA, le Japon, l’UE, dernier marché conquis : la Chine.

D’hectares en hectares, de vin en vin

Coulant, nerveux, velouté, puissant, parfois capiteux, tel ses vins, il a ainsi amené son tempérament à maturité. Sa vie, il l’a construite à grand renfort de millésimes. En 1989, il crée sa première cuvée, dite - à point nommée - de l’Héritage. Un blanc sec, plus haut de gamme, aux arômes vanillés, élevé en barrique durant neuf mois et bâtonné tous les 8 à 10 jours pour lui donner plus de longueur en bouche. L’année d’après, il sélectionne des parcelles pour faire Les Grains d’or, un blanc doux en pur cépage autochtone Loin de l’oeil, qu’il travaille en passerillage. Une technique déjà peu courante, gourmande en précaution et en main d’oeuvre.

Il progresse ainsi d’hectare en hectare pendant 25 ans. En 2003, affaire d’inspiration, le vigneron élabore La méthode ancestrale gaillacoise, avec un pur cépage Mauzac. Un vin effervescent, sur le fruit, qui peut rivaliser avec de plus célèbres vins à bulles et destiné aux buveurs d’étiquette. En 2006, Les Désirs de Labarthe viennent combler l’homme. Jean-Paul en est malicieusement convaincu : « C’est grâce aux femmes et à leur goût plus subtil que les jeunes hommes en viennent à délaisser le pastis pour le vin à l’apéro. Il leur fallait un vin puissant mais velouté avec plus de rondeurs ».

Le Prunelart et la méthode de Labarthe

En 2007, Sa quête de nouveauté le mène curieusement sur les traces d’un cépage historique de Gaillac, vieux de plus de 400 ans mais complètement oublié. « Un jour j’ai dégusté le fameux Prunelart chez Robert et Bernard Plageoles, vignerons gaillacois de renom. Je l’ai trouvé formidable. Il procure un grand volume en bouche ». Fasciné par la matière de ce qu’il préfigure comme un vin de garde au fort potentiel, il en plante un hectare et demi dans la foulée et en a rajouté quatre de plus, cette année. « Un des meilleurs vins du royaume », aurait dit Olivier de Serre, grand agronome du XVIème, contemporain de l’aïeul Guillaume Albert. Le Prunelart de Labarthe est produit en vin de pays. C’est le seul dont la vinification est obtenue avec ce seul cépage, a contrario des AOC qui sont issus de l’assemblage de cépages différents. En rapport avec le faible rendement, de l’ordre de 20 à 25 hectolitres à l’hectare soit 50% de moins que les autres, son prix s’élève à 17,80 euros la bouteille. « C’est une bombe ! Aromatiquement riche avec ses fruits noirs tendant presque sur le cacao », s’émerveille Jean-Paul Albert.

Seuls sept hectares de Prunelart sont en production dans le monde. Et ils ne sont vendus que par quatre vignerons... à Gaillac. D’où l’intérêt et les espoirs qu’il leur apporte pour valoriser l’excellence des vins de Gaillac. Une façon de tirer la filière vers le haut par des breuvages d’exception.

Un binage vaut un ou deux arrosages

En reconversion bio, depuis un an et demi, les Albert ont travaillé leur exploitation sous la charte. La récolte 2013 sera belle...et bien Bio ! Désherbage mécanique, traitement au cuivre à moins de quatre kilos par hectare, ou bien au souffre. Exit les produits de synthèses. « Depuis longtemps adeptes du sol engazonné pour éviter le ravinement et l’usage de désherbants, nous devons être encore plus respectueux de l’environnement. Nous appartenons d’ailleurs au réseau Farre, le forum interprofessionnel de l’agriculture raisonnée, afin de mieux raisonner justement sur l’emploi de produits propres pour la protection de la nature. La Terre appartient à nos enfants. Il faut que l’on essaye de la protéger », conclut-il. Ça tombe bien, son fils Thibault, le petit fils de Jean, 20 ans, fait état des mêmes dispositions « oenogénétiques ». Après avoir obtenu son BTS viticulture/oenologie à l’Institut rural de Vayre du côté de Libourne, il vient d’intégrer le domaine, cet été. En alternance avec les cours, l’apprenti vigneron a fait ses armes sur les ceps de Saint-Emilion pour acquérir un savoir-faire différent. La passion de la vigne et du vin a encore frappé chez les Albert.

Anne-Marie Bourguignon

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